Il n’y a pas de pénurie de potentiel humain!

La pénurie de main-d’œuvre est sur toutes les lèvres. On s’inquiète des effets pervers de la rareté d’une matière première si essentielle. Plus il devient difficile d’ajouter des bras, plus il est sage de faire un usage optimal des têtes que nous avons! Un examen de conscience s’impose donc : impliquons-nous suffisamment les ressources que nous employons déjà?

Pour répondre à cette question, nous avons conduit, avant la pandémie, un sondage auprès d’un échantillon représentatif de la main-d’œuvre québécoise. Nous avons mesuré à quel point les gens se sentent impliqués dans leur organisation. Notre but était d’apprécier le niveau d’intelligence collective des entreprises québécoises, tant privées que publiques et communautaires. Nous nous sommes inspirés des travaux du professeur Thomas Malone au Center for Collective Intelligence du MIT, qui démontrent que plus les gens s’impliquent dans une entreprise, plus ils y trouvent du sens et plus l’organisation performe : voilà la promesse de l’intelligence collective.

Nous avons proposé la notion de quotient d’implication (QI) comme l’équivalent organisationnel du quotient intellectuel pour les individus. Et puisque nous analysons trois dimensions de l’implication (adhésion, cohésion et focus client), nous avons baptisé notre outil QI3.

Le Québec manque de bras. Mais il ne manque pas de neurones!

Nos résultats ont de quoi surprendre : sur une échelle de 100, le QI organisationnel n’est que de 52! La bonne nouvelle, c’est que nos entreprises recèlent un potentiel de développement organisationnel important qu’il est urgent de mettre à profit.

Exagération? Pas si l’on considère les performances affichées par les « entreprises libérées » (l’expression est celle d’Isaac Getz, professeur à ESCP Paris), où les gens sont appelés à s’impliquer totalement, car il n’y a pas de hiérarchie au sens traditionnel du terme. Ces organisations fonctionnent de façon collaborative, avec grande agilité et affichent des performances exemplaires. Dans Reinventing Organizations, le consultant Frédéric Laloux cite, entre autres, le cas d’une entreprise des Pays-Bas. Buurtzorg est une entreprise de soins de santé à domicile, fondée en 2006. Elle s’est développée très rapidement et emploie aujourd’hui plus de 10 000 infirmières qui travaillent en équipes autogérées dans 25 pays. L’entreprise affiche un taux de satisfaction employés de 8,7 sur 10. En outre, la satisfaction des patients culmine et les coûts sont inférieurs de 40 % aux normes de l’industrie.

Reconnaissons que le modèle de l’organisation libérée, qui abolit le management, constitue une solution radicale. Ce n’est pas pour tout le monde! Mais ce qu’il nous révèle sur l’ampleur du potentiel humain inexploité s’applique à toutes les organisations : toutes ont la capacité de libérer les neurones de leurs employés et de booster leur intelligence collective, pour récolter les fruits de l’ingéniosité, de la perspicacité et de l’agilité de leurs gens.

Le point de départ d’un tel virage consiste à mesurer l’implication actuelle de vos employés pour ensuite déterminer les pistes d’action qui s’offrent à vous.

Qi3 ou l’anatomie de l’implication

L’implication résulte des interactions qu’une personne a avec son organisation (l’encadrement immédiat, la vision, les valeurs, la direction, etc.), avec ses collègues (au sein de l’équipe naturelle et avec les autres équipes de l’organisation) de même qu’avec les clients, membres, ou patients (selon le type d’organisation).

Le schéma suivant résume la structure de l’étude Qi3 :

Micro organisationnelMacro organisationnel
1. AdhésionÉquipe naturelleEntreprise
2. CohésionIntra équipeInter équipes
3. Focus clientClients directs et clients internesClientèles cibles

Mesurer la mobilisation ou l’implication?

L’intelligence collective est un concept émergent en management. Il force une remise en question de l’approche individualiste du management traditionnel. Cela fait plus de 50 ans qu’on étudie la motivation humaine et que l’on conduit des sondages mobilisation dont l’utilité réelle est de plus en plus contestée. Il est temps de penser en dehors de ce cadre étroit!

Contrairement à la mobilisation, l’implication est une notion non pas motivationnelle, mais bien relationnelle. Au mieux, les sondages mobilisation mesurent les prédispositions à agir. En mesurant l’implication, l’étude Qi3 évalue plutôt la qualité et l’intensité de l’agir collectif.

Avec Qi3, nous postulons que les interactions sociales, et non les motivations individuelles, déterminent l’intelligence et la performance collectives. L’édition actuelle des Canadiens de Montréal nous le démontre bien: les joueurs ne sont pas moins motivés que ceux de la dernière saison. Ce qui a changé se situe sur le plan relationnel. L’équipe a perdu plusieurs éléments, remplacés par des talents certes équivalents, mais de toute évidence, il faut du temps pour qu’une nouvelle chimie s’établisse !

Par Karine Thellier

Yves Chapleau



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